Collège de ’Pataphysique
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Fernando Arrabal pataphysicien

(Ce texte a été repris dans le volume Le Cercle des pataphysiciens, de la collection Mille-et-une-nuits, n¨544 en 2008 vulg.)

Attention, à force de jouer au génie, on risque de le devenir ! Ce propos du divin Dalí, génie professionnel, convient aussi à son confrère Fernando Arrabal, à cela près que le « jeu » de celui-ci relève explicitement de la ’Pataphysique : membre du Collège depuis le 4 décervelage 98 E. P. (1er janvier 1971) et Satrape in petto depuis le 21 gidouille 117 (5 juillet 1990), il fut informé de son élévation à la Transcendance en avril 2000, lors de la Désoccultation du Collège. Depuis lors, au fil de ses voyages, de ses allocutions, de ses articles de presse, outre ses œuvres de tout genre, il ne cesse de faire rayonner la flamme de la chandelle verte de par le monde.

Présenter ses talents en deux paginettes revient, mutatis mutandis, à faire tenir la Sagrada Familia dans un carafon. Une fois né, à Melilla sur la côte marocaine en 1932, qu’il ait grandi (quoique guère en taille) n’est pas pour nous surprendre, vu qu’il est espagnol. Son œuvre est gigantesque : plus de quatre cents ouvrages ! Dramaturge novateur (« Son apport au théâtre est comparable à celui de Picasso à la peinture », W. Mayo), cinéaste inspirant, romancier, essayiste, pamphlétaire ou poète, peintre à ses heures et grand spécialiste des échecs, il n’assigne aucune limite à sa fureur créatrice, à son énergie ni à son (h)umour. Qu’il ait accompli ce que le Docteur Sandomir nomme le « bon bond » en venant au Collège de ’Pataphysique n’est pas étonnant. Co-fondateur du groupe Panique en 1962 avec le futur Satrape Roland Topor et Alexandro Jodorowsky (avant d’y être rejoint par le peintre Olivier O. Olivier, autre futur Satrape du Collège), il avait déjà opté, au sein de ce mouvement éminemment ravageur, pour ce qui ressemblait comme un frère au « principe d’équivalence » des pataphysiciens : la confusion panique, qui accepte tous les postulats, toutes les philosophies, toutes les morales (en en revendiquant la part qui convient), et qui critique la connaissance tout en cherchant les mécanismes, le conduisit à considérer que « la ’Pataphysique est une machine à explorer le monde », comme il l’affirme désormais haut et clair. Précisant lyriquement : « La ’Pataphysique est un perpétuel Présent ; un Cadeau permanent, faustien et néfaste ; une divine surprise. La ’Pataphysique, c’est le pain quotidien. L’imperturbable ’Pataphysique se tient immobile dans l’éternel changement. La ’Pataphysique : Mère de l’infini sans référence aucune à la notion d’espace (aérien ou mort), et Mère de l’Éthernité sans conscience du temps (de chien ou héroïque). »

La nouvelle édition du Manifeste panique en 2006 comporte d’ailleurs un ajout explicite : « Le panique n’essaie pas d’améliorer le monde avec des légions de soumis, ni d’inspirer une seule ligne aux panicophiles. Il aspire à l’exception pataphysique et à la fête sans vaches sacrées. »

Depuis la Désoccultation, Arrabal prend pleinement part aux activités du Collège. Il usa de son influence pour faire admettre au sein du Transcendant Corps des Satrapes Roland Topor (à titre posthume) et Camilo José Cela (malgré son prix Nobel de littérature). C’est chez lui, d’ailleurs, que la plupart des Satrapes nouvellement cooptés se retrouvèrent le 1er palotin 128 (20 avril 2001) pour une mémorable séance à laquelle participaient les TT.SS. Barbara Wright, Edoardo Sanguineti, Dario Fo, Barry Flanagan, Umberto Eco, Jean Baudrillard, outre, parmi les anciens Arrabal lui-même, Enrico Baj et Maurice Bazy, et en effigie Topor et l’âne Papillon. Dans l’Ordre de la Grande Gidouille, il a logiquement accédé à la très haute charge de Promoteur Insigne (13 sable 131, vulg. 13 décembre 2003) qu’avaient occupée avant lui Boris Vian et Eugène Ionesco. C’est d’ailleurs pour rendre hommage à la Cantatrice chauve qu’en mars 2007 il contribua aux États généraux du Poil, sous l’égide du Collège.

André Stas,
Régent